13 mai 2005

Une vision syndicale

mardi, 10 mai 2005

Le “ Oui ” des syndicats européens


Tribune de John Monks publiée dans Le Nouvel Observateur du jeudi 7 avril 2005

Pour John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), le traité constitutionnel est un bon tremplin pour les combats futurs :


À l’heure où de nombreuses appréhensions nationales se cristallisent autour de la Constitution européenne et au moment où ses détracteurs font dire au texte des choses qui ne s’y trouvent pas, il m’a semblé important de rappeler les raisons pour lesquelles la Confédération européenne des syndicats (CES) a pris position en faveur de ce traité constitutionnel. Nous avons prouvé, avec la puissante manifestation du 19 mars, à l’appel de la CES, regroupant plus de 70 000 personnes « pour plus d’emplois et contre la directive Bolkestein », que nous étions prêts à nous mobiliser face à des projets contestables. Nous exigeons un débat clair. Le mouvement syndical et la société civile auront toujours besoin de s’exprimer en toute occasion car il faudra mener d’autres combats face à un capitalisme financier qui n’a pas besoin de Constitution européenne pour intensifier la compétitivité à tout prix au nom de la mondialisation.

Pour sa part, le mouvement syndical européen a considéré en toute lucidité et dans son immense majorité que ce traité représentait une avancée significative pour les travailleurs, même si la CES reconnaît les limites de la partie III. De nombreux objectifs et valeurs contenus dans le traité sont partagés par le mouvement syndical : l’économie sociale de marché et le plein-emploi inscrits pour la première fois dans un traité européen. Sans oublier la solidarité, la lutte contre l’exclusion, l’égalité hommes-femmes.

La partie essentielle de la Constitution est à nos yeux la Charte des Droits fondamentaux. Non seulement les droits politiques et civils y sont reconnus, mais elle inclut aussi, et surtout, une liste de droits économiques et sociaux. Elle devient ainsi partie intégrante du droit européen avec une valeur juridique contraignante. Cela veut dire que les institutions de l’Union et les États membres sont tenus de respecter les droits inscrits dans la Charte. L’Union reconnaît pour la première fois le droit de grève, le droit aux prestations de sécurité sociale, aux services sociaux, toutes choses qui représentent un progrès non négligeable dans un contexte économique et social peu rassurant pour les salariés. Par ailleurs, ce texte est le premier traité européen à donner une existence juridique autonome aux services publics, qui sont reconnus comme l’instrument incontournable de la cohésion sociale de l’Union européenne.

D’aucuns diront que ce traité est perfectible. C’est exact. Mais dans le cas présent peut-on espérer élaborer un autre texte ? Je suis loin d’en être sûr. Divisés en partis progressistes et en partis conservateurs, les 25 pays n’expriment pas leurs préoccupations d’une seule voix. Face à la complexité, la tentation est grande de revenir à moins de politique européenne, plus de politique nationale. Un grand marché, une monnaie unique, quelques efforts en terme de recherche, et le tour serait joué. Certains en profiteraient à nouveau pour exclure les droits fondamentaux du traité.

Les syndicats et la société civile ont besoin d’une Union européenne unie et solidaire reposant sur des valeurs sociales essentielles. Nous avons avec cette Constitution un socle pour les luttes à venir.

Le projet de Constitution n’est ni libéral ni antilibéral. Il est l’expression du cheminement complexe de 25 pays qui ont trouvé un équilibre entre trois piliers. Le premier est l’amélioration du fonctionnement des institutions. Il vise à les rendre plus démocratiques en créant notamment un droit d’initiative de pétition citoyenne. Le deuxième sert de socle aux valeurs et aux principes de l’Europe. Le troisième reprend comme tout traité international les traités antérieurs, essentiellement consacrés aux politiques économiques communes. Je considère que préparer l’avenir ne consiste pas à faire fi du nouveau pour garder l’ancien alors que précisément ce dernier est le plus contesté.

Réaffirmer nos valeurs fondamentales au niveau européen à travers la Constitution européenne constitue un engagement à les développer aussi au niveau de notre planète.

John Monks