11 juin 2005


NOUVEAU LIEN :
POUR CONTINUER LE DEBAT SUR L'EUROPE !

16 mai 2005

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Lien vers mon blog plus détaillé :
http://ouiaureferendum.hautetfort.com

Le mensonge de la révision impossible...

Le traité constitutionnel serait "quasi impossible à modifier" selon certains et donc son contenu serait "gravé dans le marbre". Vérifions les textes.

Voici la procédure pour les traités existants et pour le texte proposé:

Pour info, le terme "consultation" dans les lignes suivantes comme dans les traités correspond à une sollicitation d'avis, sans engagement ou obligation de tenir compte de l'avis obtenu.

A) Traité sur l'Union Européenne actuellement en vigueur (suite au Traité de Nice) - Art 48
1. proposition de gouvernement national ou Commission au Conseil
2. décision du Conseil (consultation du Parlement Européen et éventuellement de la Commission)
3. si OK, conférence inter-gouvernementale (consultation éventuelle de la BCE)
4. si OK, ratification par les Etats

Les étapes 3 et 4 sont décidées à l'unanimité.

En pratique, pour les 2 dernières évolutions, une Convention rassemblant des représentants des gouvernements, des parlements nationaux, du PE et de la Commission a été convoquée entre l'étape 2 et l'étape 3. Décision par consensus.

B1) Traité constitutionnel - Art IV-443 - procédure normale
1. proposition de gouvernement national, Commission ou PE au Conseil qui transmet au Conseil Européen
2. décision du Conseil Européen (consultation du PE et de la Commission, éventuellement de la BCE)
3. si OK, Convention décidant par consensus, sauf si "l'ampleur des modifications ne le justifie pas" auquel cas on passe directement à l'étape 4 (décision du Conseil Européen)
4. si OK, conférence inter-gouvernementale
5. si OK, ratification par les Etats

---> c'est le même processus qu'actuellement, mais le PE peut faire des propositions d'évolution et la Convention est officialisée.
Ce n'est pas plus compliqué qu'aujourd'hui.

B2) Traité constitutionnel - Art IV-444 - procédure simplifiée n°1
S'applique aux procédures de vote de la partie III. Pour un domaine ou un cas d'action donné, permet:
a. de remplacer le vote à l'unanimité du Conseil par un vote à la majorité qualifiée
b. ou de remplacer la procédure législative spéciale (Conseil seul) par la procédure législative ordinaire (co-décision Conseil + PE)

1. proposition de décision du Conseil Européen (unanimité)
2. vote du PE (majorité simple)
3. si pas d'opposition des parlements nationaux sous 6 mois, décision adoptée

---> processus beaucoup plus rapide et simple qu'actuellement. Ca suppose bien sûr l'unanimité, puisque c'est un abandon de souveraineté supplémentaire des Etats.

B3) Traité constitutionnel - Art IV-445 - procédure simplifiée n°2
S'applique aux politiques et actions internes de l'Union (partie III titre III). Permet de modifier le texte sans ajouter des domaines de compétence.
1. décision du Conseil Européen (unanimité) (consultation du PE et de la Commission et éventuellement de la BCE)
2. ratification par les Etats

---> cette procédure permet de modifier par exemple les politiques économiques, budgétaires ou monétaires, dont les objectifs de la BCE. Et ça peut se faire beaucoup plus simplement et rapidement qu'aujourd'hui.

CONCLUSION:
- Le traité constitutionnel peut être modifié par 3 procédures au lieu d'1 seule.
- Ces procédures ne sont pas plus compliquées qu'aujourd'hui.
- Ceci peut se faire plus facilement qu'aujourd'hui pour les politiques internes et les procédures de vote.
- Avec le traité constitutionnel, le Parlement Européen peut proposer une évolution du traité, pas aujoud'hui.
Le processus de révision n'est donc pas la machine à gaz décrite par certains.

Note: certains partisans du non constestent la révision par l'unanimité des Etats. Dans l'état actuel de l'intégration européenne, ça peut sembler toujours nécessaire. Pour construire l'Europe politique, donc démocratiser les institutions et accepter des abandons de souveraineté supplémentaires, il faut l'accord de chaque Etat.

Cf. forum sur la Constitution européenne, "François" (16.05.2005).

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En tout état de cause, certains partisans du "Non" tentent de montrer, en vain, que le traité pour une Constitution européenne sera scellé dans le marbre, qu’il ne pourra pas être révisé.

Il me semble que cette argumentation est simpliste, dans la mesure où elle fait l’impasse sur la réalité politique de la construction européenne.

Qu’observe-t-on dans ce domaine ?

- D’une part, le principe de l’unanimité a prévalu, depuis les origines de la construction européenne, à chaque fois qu’il s’est agi de réviser un traité.

- D’autre part, les Communautés européennes, puis l’Union européenne s’est sans cesse élargie, passant de 6 membres en 1957 à 25 membres aujourd’hui.

A la croisée de ces deux chemins, l’Histoire européenne montre que plus les États membres ont été nombreux, plus les révisions des traités ont été fréquentes.
Ainsi les révisions se concentrent-elles pour la plupart au cours de ces dernières années, alors même que l’Europe comptait de plus en plus de membres :

- 1957 Traité de Rome – Europe à 6
- 1973 Traité d'adhésion – Europe à 9
- 1981 Traité d'adhésion - Europe à 10
- 1986 Acte Unique – Europe à 12
- 1992 Traité de Maastricht - Europe à 12
- 1995 Traité d'adhésion – Europe à 15
- 1997 Traité d'Amsterdam - Europe à 15
- 2000 Traité de Nice – Europe à 15
- 2004 Traité d'adhésion - Europe à 25
- 2006 Constitution européenne ? - Europe à 25

L’élargissement de l’Union européenne n’est donc pas un obstacle politique à la révision des traités à l’unanimité.
Le même raisonnement peut être tenu concernant les coopérations renforcées (article I-44), les procédures de révision simplifiée, et les « clauses passerelles » (articles IV-444 et IV-445).
La coopération renforcée qui permet aux Etats qui le souhaitent d’avancer ensemble, dans certains domaines, plus loin que ne le fait l’Union (avec notamment le remplacement de la procédure de vote à l’unanimité par le vote à la majorité qualifiée), comporte effectivement un certain nombre d’obstacles juridiques à franchir pour être mises en application.
Mais la logique politique doit également être prise en considération.
Imagine-t-on demain un seul pays s’opposer à neuf Etats ayant formulé devant le Conseil européen le désir de mettre en œuvre des coopérations renforcées en matière de fiscalité ?
L’Union européenne se construit sur la base de négociations, de consensus, de rapports de force.
Il est incomplet de s’arrêter à la lettre des traités, passés, actuels et à venir, pour présager des politiques qui seront menées.
En ce sens, nous sommes en droit d’attendre une Europe sociale.
Rien ne l’interdit dans le traité pour une Constitution européenne.

13 mai 2005

Point de vue d'une personne au chômage

vendredi, 13 mai 2005

Point de vue intéressant d’une personne au chômage qui vote "Oui", vu sur le site "ensemble pour le oui" le 12 mai 2005

Pascale 56 ans, sur la Constitution européenne.

22 avril 2005


« Contrairement à ce qui a été dit sur ce site [ndlr : ensemble pour le "oui"], tous les « actuchômeurs » ne vont pas voter non. J’ai demandé un droit de réponse en première page, c’est-à-dire avec la même visibilité que l’article affirmant le non des « actuchômeurs » : Voici ma réponse. »

Au départ j’avais décidé de voter non, bien décidée à ne pas me faire piéger encore une fois par Chirac, bien décidée à manifester mon refus de la politique de son gouvernement. Petit à petit cependant, j’ai pris conscience que l’enjeu n’était pas un enjeu de politique intérieure mais un enjeu plus large et plus fondamental pour l’avenir.

Yves [ndlr : intervenent sur le site pré-cité] demande à ceux qui veulent exprimer leur oui à la constitution de dire en quoi ce projet va servir les chômeurs. Cette question ne me paraît pas pertinente pour deux raisons :

La première est que l’institution européenne n’aura, pas plus demain qu’elle n’en a aujourd’hui, de pouvoir sur les politiques sociales : celles-ci demeureront de la compétence des états. Il faut noter cependant que le marché commun a permis un développement économique remarquable dans ces dernières décades pour les pays membres des communautés européennes puis de l’Union, des emplois donc. Ce serait être aveugle que de nier les avantages économiques de l’Union, méconnaître l’exemple de l’Irlande, l’Espagne et du Portugal qui ont fait un bond en avant économique formidable depuis leur adhésion, mépriser les pays - et les peuples - nouvellement intégrés comme ceux qui souhaitent adhérer. L’Union européenne a déjà fait la preuve qu’elle apporte enrichissement et développement à ses membres, donc sa capacité à résoudre les problèmes des chômeurs. Reste que les politiques adoptées en ce moment ou celles du futur forgeront une Europe plus ou moins sociale. Ceci ne relève pas du fonctionnement constitutionnel mais des élus. J’y reviendrai plus tard.

La seconde est qu’il nous faut nous garder, nous chômeurs, de subir les conséquences de l’isolement auquel nous sommes condamnés et de nous replier sur nous-mêmes. Dans un autre message je disais qu’il ne fallait pas se tromper d’adversaire, accuser les jeunes ou les vieux de se prendre mutuellement les places, oublier que ceux qui ont le pouvoir économique sont les seuls qui ont défini les règles du marché du travail aujourd’hui, faute d’union des salariés en une vraie force d’opposition. Ceci relève de la même réflexion : ne limitons pas notre horizon. Avant d’être des chômeurs nous sommes des citoyens, le projet constitutionnel sur lequel il nous est demandé aujourd’hui de nous prononcer concerne la construction de l’Europe, l’avenir à long terme.

Je me suis donc penchée sur le projet. J’ai beaucoup écouté la radio - temps libre de chômeuse oblige - j’ai lu la presse, lu le projet, écouté les arguments des uns et des autres.

J’ai compris plusieurs choses. D’une part les mots pour le dire sont incorrects. Il ne s’agit pas d’une constitution mais d’un traité constitutionnel. D’autre part, le projet se découpe en 3 parties : la première concerne le fonctionnement constitutionnel, la seconde la charte des droits sociaux, la troisième intitulée « les politiques et le fonctionnement de l’union » n’est en fait que la réunion des traités existants [ndlr : ajoutons qu'elle rajoute même des aspects positifs tel que la clause sociale générale, cf. sur ce blog].

Au départ, je pensais qu’il fallait lire le projet et le comparer aux traités existants. C’est beaucoup plus simple que cela. Seules la première et la deuxième partie sont réellement neuves et méritent d’être analysées - la troisième partie est déjà appliquée.

Mon propos aujourd’hui n’est pas de vous faire une synthèse comparative. Il en existe de nombreuses fort bien faites. (...) Ce que je vais tenter de faire, c’est vous donner les pistes de réflexion qui m’ont conduites à dire oui.

Un mot de Jacques Delors lu dans Le Monde m’a fait basculer : « Une constitution n’a jamais fait une politique, ce sont les élus qui la font ».

Un retour sur l’histoire m’a aussi fait basculer. La tentation première, en 1929 comme en 1948, après chaque guerre mondiale donc, dans une perspective de paix, a été de construire « Les Etats-Unis d’Europe » de faire une Europe politique. Le « message aux européens » par lequel les représentants des mouvements fédéralistes de 19 pays avaient conclu leur congrès de La Haye (8-10 Mai 1948) a totalement été dénaturé avec la création, le 5 septembre 1949, du Conseil de l’Europe, simple organisation de coopération, démunie de pouvoirs et de réelles perspectives. Tirant la leçon de cette impossibilité de mettre en place une intégration politique, qui heurtait de front les souverainetés nationales, le plan Schuman a donc opté pour refaire démarrer la construction de l’Europe selon une méthode s’inspirant d’un pragmatisme prudent : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble ; elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » Ces réalisations concrètes ont été la communauté européenne du charbon et de l’acier, mise en commun des ressource nécessaires à la préparation de la guerre - « par la mise en commun de productions de base et l’institution d’une Haute Autorité nouvelle, dont les décisions lieront la France, l’Allemagne et les pays qui y adhéreront, cette proposition réalisera les premières assises concrètes d’une fédération européenne indispensable à la préservation de la paix (déclaration du 9 mai 1950) », le marché commun, l’euro.

De ces observations je tire les conclusions suivantes :
Tout d’abord, le but des fondateurs de l’Europe est atteint, il y a solidarité de fait, nous venons de vivre 60 ans de paix et la probabilité qu’Allemands et Français s’affrontent à nouveau dans des tranchées est très faible.
Dire que l’Europe ne se soucie que d’économie, c’est ignorer l’histoire. Le processus d’unification économique a été le seul moyen de faire l’Europe. La concurrence libre et non faussée est dans le traité de Rome de 1957, elle ne disparaîtra pas avec un non. Aujourd’hui nous allons enfin vers une Europe politique. Dire non au traité constitutionnel, c’est rester sur une Union Européenne seulement économique.
Ensuite, les changements constitutionnels qui nous sont proposés apportent-ils plus de démocratie, plus de social ? La réponse est oui. Le parlement européen devient co-législateur avec le Conseil, obtient un droit de décision égal à celui du Conseil en matière de budget, élit le Président de la Commission, lui-même élu pour deux ans et demi ce qui assure une stabilité et une crédibilité sur la scène internationale, les parlements nationaux obtiennent un droit d’alerte et d’information directe, création d’un ministère commun des affaires étrangères permettant l’expression d’une parole commune des européens sur la scène internationale, la charte européenne des droits fondamentaux est constitutionalisée, elle contient notamment : le droit de grève, l’information et la consultation des travailleurs, la protection contre les licenciements abusifs, l’accès à l’aide sociale..., reconnaissance du rôle des partenaires sociaux, reconnaissance des services publics. (source : www.ouisocialiste.net)

Certes, tout ce que je souhaite n’est pas là. Mais il s’agit d’un compromis qui nous fait avancer. Le faire évoluer sera difficile à 25, le renégocier avec un non sera encore plus difficile puisque nous nous priverons des avancées qui y sont et que les 7 années de négociation qui ont abouti à ce projet ne seront peut-être pas renouvelées avec des politiques plus à gauche.

Dans un monde de plus en plus mondialisé, l’Europe est une nécessité. Économique et politique. Surtout si nous voulons que le modèle anglo-saxon libéral ne prime pas sur les modèles sociaux nés de la sueur, du sang et des larmes des Européens. A mon avis nous ne devrions plus être en train de construire les Etats-Unis d’Europe mais les Etats-Unis du monde. Ne perdons pas plus de temps. Voilà pourquoi je dirai oui.

Quelques idées reçues à revoir :

Certains se plaignent que le droit au travail inscrit dans la constitution française se transforme en droit à travailler, à rechercher un emploi -ou inversement, je ne sais plus. Avant d’analyser la subtilité sémantique, il serait bon de se re-situer à l’époque où ce droit à été inscrit dans la Constitution Française. Il ne s’agit pas de la garantie par l’État de donner un travail à tous mais bien celle de ne pas empêcher quiconque de travailler, d’avoir un emploi. La France sortait de la guerre et se souvenait des lois infamantes qui refusaient aux juifs le droit de travailler. D’ailleurs, le texte précis du préambule de la constitution de 1948 repris dans la constitution de 1958 est « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »

D’autres accusent la présence du droit à la propriété dans cette constitution. Voyons un peu de mémoire ! Ce droit est inscrit dans la constitution de 1789, et dans la constitution américaine. C’est un droit fondamental pour lequel nos ancêtres se sont battus, Beaumarchais entre autres. C’est tout ce qui fait la différence entre une société de droit divin fondée sur la Providence qui distribue à chacun son rôle et ses propriétés - propriétés aliénables à merci par le roi et les aristos - et notre société moderne où l’homme, et non plus Dieu et le roi, définit l’organisation de la société.

Enfin et toujours, la concurrence libre et non faussée. Allez donc en parler aux pays du tiers monde qui se battent pour que les subventions agricoles américaines et européennes cessent de couler leur agriculture, de condamner les africains à manger nos carcasses de poulet plutôt que leur propres poulets ! Eux en rêvent, de la concurrence libre et non faussée. Là aussi il faut se défier des raccourcis. C’est par nos actes que nous donnons leur sens aux mots. Tout chômeur aujourd’hui admettra que le travail rend libre, pourtant le sens de ces mots n’est plus le même quand il est inscrit au fronton d’un camp d’extermination nazi.

Droit à la propriété, droit au travail, droit au logement, concurrence libre et non faussée, tout dépend de la façon dont les élus mettent en œuvre les politiques pour l’appliquer. Il nous reste un droit : celui de voter. Ne nous trompons pas de combat, ne nous trompons pas d’adversaire. Certains me disent que nous avons peut-être eu 60 ans de paix entre les nations, mais que c’est une véritable guerre civile entre riches et pauvres qui est en train en Europe. Rien de neuf, on l’avait seulement oublié la lutte des classes. D’abord calmons-nous : les affrontements des beurs de la Seine Saint Denis avec les lycéens n’ont rien à voir avec les charges de l’armée sur les paysans ou ouvriers en grève du début du siècle ou les affrontements de l’extrême droite contre la gauche dans les années 30. Ensuite, pourquoi renier l’Europe pour revenir aux nations ? Pour retrouver le désarroi de ces membres de l’Internationale qui se battaient dans les tranchées contre leurs camarades travailleurs ?

Tant que l’homme sera homme, il y en aura toujours pour vouloir plus, pour vouloir tout au dépend des autres. Le seul moyen d’y remédier, c’est d’unir les faibles pour affaiblir les forts. Un des grands désastres de ce début de siècle est la désunion de ceux qui travaillent, fruit de la disparition de la classe ouvrière, fruit de l’urbanisation, fruit du confort apporté par les luttes sociales de nos prédécesseurs qui avaient été victimes de la barbarie créée par les fractures sociales. "

Point de vue d'un ethnologue

vendredi, 13 mai 2005

Point de vue
30 raisons de dire "oui" au référendum sur le traité européen

Par Guy-Patrick Azémar (ethnologue), écrit sur "place publique" :


Le 29 mai, je voterai "oui" sans hésitation. Cela ne veut pas dire sans réserves. Le traité soumis à notre approbation manque de souffle et d’ambition. Il ne va pas assez vite ni assez loin sur la voie d’une Europe fédérale démocratique, respectueuse de l’environnement, porteuse de dynamiques culturelles et de nouvelles solidarités sociales à l’échelle de la planète. Son texte reste touffu et trop souvent abscons, quand la force d’une constitution vient de sa capacité à énoncer simplement quelques principes fondamentaux formulés sans ambiguïté. Et pour tout dire, ce projet ne parvient pas à nous faire rêver.

Mais précisément, il s’agit d’un "traité constitutionnel" conclu entre États indépendants et non d’une véritable constitution qui, le jour venu (lorsque l’Europe sera mûre pour effectuer cet acte politique décisif), devra être élaborée et proposée par une assemblée constituante issue du suffrage universel européen. Les vraies nouveautés de cet accord, baptisé « constitution » par abus de langage, tiennent en quelques pages (préambule, parties I et II) qui précisent les objectifs et les valeurs de l’Union, le mode de fonctionnement des institutions européennes et les droits fondamentaux des citoyens. En outre, ce texte devenu nécessaire pour préciser les « règles du jeu » dans une Union élargie à 25, compte parmi les moins illisibles produits jusqu’ici par les États qui ont choisi de mettre en commun certains des attributs de leur souveraineté.

L’Europe s’est bâtie comme cela, d’accord insuffisant en accord décevant, de petit pas en petit pas en avant. Tout a commencé, ne l’oublions pas, par un simple traité commercial sur le charbon et l’acier conclu entre six pays au sortir de la Seconde guerre mondiale. Cinquante ans plus tard, à force de compromis frileux mais pragmatiques issus de négociations laborieuses entre des partenaires de plus en plus nombreux, que de chemin parcouru ! Or, ce projet de traité comporte beaucoup de nouvelles avancées. Souvent modestes, plus rarement audacieuses, mais bien réelles. C’est à cause de ces avancées que les nationalistes et les souverainistes de tout bord n’en veulent pas, et c’est pour elles qu’il faut l’approuver.

1- L’Europe est une aventure politique inouïe dans l’histoire humaine, traduisant la volonté de tout un continent, après des siècles de guerres et de divisions, de s’unir pacifiquement dans un espace de liberté et d’équilibre social. Il est nécessaire de consacrer ce projet par un texte qui en énonce solennellement les principes fondateurs et précise les "règles du jeu" communes.

2- Pour la première fois dans sa (encore) jeune histoire, l’Europe décide de ne plus s’occuper seulement de commerce et de politique monétaire. Le traité jette les bases d’une Europe politique et lui assigne des objectifs qui vont bien au-delà des règles de fonctionnement des marchés : la paix, le progrès social, le plein emploi, la lutte contre l’exclusion, le développement durable, le respect du droit international... font désormais partie des fondamentaux de l’Union.

3- Pour la première fois, l’Europe se réclame ouvertement d’une économie sociale de marché. Beaucoup de partisans d’un "non de gauche" objectent qu’un texte constitutionnel n’a pas à afficher un parti pris idéologique, ce que ferait le traité en se référant constamment au marché. Pourtant l’Union européenne forme par définition un espace économique et politique fondé sur le principe de la libre circulation des idées, des personnes et des biens. Ce principe a été énoncé dès le traité de Rome de 1957 instituant le "marché commun", c’est même l’une des quatre libertés fondamentales reconnues par ce texte. L’ouverture à l’Est, après l’effondrement du rideau de fer et des régimes d’économie étatisée issus de la guerre froide, n’a fait que confirmer le choix initial : c’est dans une société démocratique basée sur la reconnaissance de la propriété individuelle, la liberté d’entreprendre et celle de commercer, que les peuples d’Europe ont choisi de bâtir leur avenir ; c’est dans cet espace-là qu’ils ont très majoritairement décidé que devraient se construire les rapports de forces entre, d’une part, les tenants du libéralisme pour qui la seule régulation acceptable est celle du marché lui-même, et d’autre part, tous ceux qui jugent indispensable de réguler le fonctionnement de ce marché au regard de critères autres que la loi du profit. On peut bien sûr refuser ce postulat, mais cela revient à mettre à bas tout l’édifice construit depuis cinquante ans, voire le consensus démocratique qui a permis au continent de trouver une cohésion. L’économie de marché, option idéologique ou condition matérielle d’une société plurielle et ouverte ? Il me semble que l’histoire a tranché !

4- Le nouveau traité va plus loin en inscrivant l’économie sociale de marché parmi les objectifs constitutionnels. L’Europe devient ainsi, de facto, un projet de transformation sociale. C’est d’ailleurs pour cela que la quasi-totalité des syndicats européens approuvent ce traité, susceptible de mieux protéger l’espace européen des ravages du libéralisme sauvage que ne pouvait le faire une addition d’accords de libre-échange. Le projet constitutionnel donne aux États membres l’obligation de contrôler le marché plus activement que partout ailleurs dans le monde démocratique. Il instaure une hiérarchie des droits : le droit de la concurrence, relevant de la compétence de la Commission, n’est plus placé sur le même plan que les droits fondamentaux qui forment désormais le socle juridique. Le législateur pourra s’en prévaloir pour maîtriser les règles de la concurrence. Les mouvements sociaux et les organisations syndicales disposeront de points d’appui pour créer de nouvelles dynamiques. Qu’il s’agisse de la protection contre les licenciements abusifs, de l’information et la consultation des travailleurs, du droit à des conditions de travail "justes et équitables" ou de l’égalité homme-femmes dans le travail, les droits sociaux inscrits dans la charte européenne (mais pas dans les textes constitutionnels français) offrent également de nouvelles garanties et voies de recours juridiques individuelles aux citoyens.

5- Les politiques sociales continueront à relever, pour l’essentiel, de l’action des États, l’équilibre fondamental n’est pas changé. N’oublions pas que les dispositions sur la libre concurrence, déjà inscrites dans les textes européens, n’ont pas empêché le gouvernement Jospin de mettre en place en France la CMU ou les 35 heures. C’est justement pour éviter que la concurrence ne porte sur le social que l’Europe a laissé et laissera encore jouer le principe de subsidiarité, réservant à chaque pays le soin de choisir son système de retraite, sa sécurité sociale, ses minima sociaux, sa politique de fiscalité directe, etc. Compte tenu de l’état actuel des rapports de forces politiques dans l’Union et du niveau de développement des ex "pays de l’Est", une harmonisation "par le haut" demeure aujourd’hui irréalisable. Comme on l’a vu hier avec l’Espagne, le Portugal et la Grèce, davantage d’intégration européenne n’en contribuera pas moins à rapprocher à terme les conditions sociales de production sur le continent - et donc à rendre les délocalisations moins attractives au moins sur le territoire de l’Europe.

6- Le projet constitutionnel dote cependant l’Europe de nouveaux outils de régulation du marché en matière de solidarité sociale, de protection de l’environnement, de préservation de la diversité culturelle, de cohésion territoriale, la lutte contre les discriminations, de promotion de sujets d’intérêt général... moyens qui ne sont plus à la portée d’un pays comme la France agissant de façon isolée. Autrement dit, sans traité, notre pays restera exposé aux mêmes menaces nées de la mondialisation libérale. Avec lui, elle sera un peu mieux armée pour s’en préserver. On doit déjà à l’Europe de nombreux dispositifs qui vont à l’encontre du laisser faire libéral : la politique agricole commune, les aides au développement territorial, le droit des consommateurs, le programme d’échanges universitaires Erasmus, les directives européennes sur les émissions de gaz carbonique, le programme Natura 2000, parmi bien d’autres exemples. Le projet constitutionnel va permettre d’aller plus loin. C’est précisément grâce à l’absence de contraintes telles que celles prévues ou rendues possibles par ce texte que la "directive Bolkestein" a pu passer. Et c’est parce que traité rend possible de nouvelles régulations à l’échelle européenne que, dans tous les pays, souverainistes et ultralibéraux s’accordent pour le refuser. Rien n’empêchera demain - sinon l’état des rapports de forces politiques et sociaux - l’adoption de mesures de contrôle des mouvements de capitaux pour lutter contre la spéculation financière ou la mise en place de nouveaux mécanismes de redistribution des richesses.

7- Avec le nouveau traité, une majorité politique progressiste au Parlement européen pourra mettre en œuvre une politique sociale progressiste, mieux et plus facilement que dans le cadre actuel. L’Europe sociale ne peut préexister à l’Europe politique : il faut d’abord construire celle-ci pour pouvoir bâtir celle-là.

8- La protection de l’environnement, l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles, l’harmonisation des territoires deviennent objectifs constitutionnels, tout comme l’application des principes de précaution et du "pollueur-payeur", les économies d’énergie et la promotion des énergies renouvelables. Le respect de l’environnement devra être pris en compte par toutes les politiques sectorielles. En cas de violation des droits environnementaux, les citoyens pourront saisir la Cour de justice européenne.

9- Le traité définit pour la première fois un cadre juridique protecteur des services publics à l’échelle européenne. Il reconnaît leur rôle dans la cohésion économique et sociale et admet qu’ils peuvent relever de règles ou normes autres que celles du droit de la concurrence et du marché intérieur. En vertu du principe de subsidiarité, les États membres gardent la liberté d’organiser leurs services publics comme ils l’entendent. Le nouveau texte oblige toutefois les États et l’Union à garantir leur financement et leur bon fonctionnement, et protège le droit d’accès des citoyens à ces services tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales. Ainsi, le traité permettra d’opposer à une logique centrée uniquement sur la concurrence, des politiques de sauvegarde ou de développement des services publics comme outils de fonctionnement efficace d’une économie sociale de marché.

10- A côté des "services d’intérêt général" (traduction européenne de "service public"), le texte constitutionnel introduit la notion de "services d’intérêt économique général". Il propose ainsi une définition élargie qui recouvre à la fois les services marchands et non-marchands jouant un rôle dans la "cohésion sociale et territoriale" des États : cette définition inclut les transports, les services postaux, l’énergie, les communications, qui n’entraient pas à strictement parler dans le champ des services publics. Le nouveau texte reconnaît officiellement l’importance et la valeur de ces services d’intérêt général, sans toutefois prendre position sur la manière dont ils sont assurés : c’est la fin, l’accomplissement des missions qui compte, et non les moyens d’y arriver. Cette approche pourrait faciliter la levée des blocages dus à une conception française archaïque des services publics, héritée du jacobinisme et de Napoléon, qui assimile "service" à "fonction" (publique) et "fonction" à "statut" (de fonctionnaire).

11- Le traité dote l’Europe d’une Charte des droits fondamentaux qui définit un socle de droits commun à tous les citoyens de l’Union. Outre les chapitres portant sur la dignité, les libertés, l’égalité, la solidarité, la citoyenneté, la charte intègre la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950 et la charte sociale européenne actualisée en 1999. Ce socle commun comprend des droits et libertés dont les citoyens des États nouvellement entrés dans l’Union jouissent depuis peu, et qui restent aujourd’hui inaccessibles à la majorité des habitants de la planète. Outre les libertés essentielles, le traité garantit l’interdiction du clonage humain, la protection des données personnelles, l’accès à l’éducation et à la formation continue, le droit à l’objection de conscience, l’interdiction de la peine de mort... Il crée aussi de nouveaux droits spécifiques protégeant les enfants, les personnes âgées et les handicapés.

12- L’inclusion de la charte dans le texte constitutionnel donne à cet ensemble de droits civiques et sociaux le statut contraignant de normes de droit européen s’imposant à l’ensemble des législations nationales. La conformité des actes de l’Union avec tous les articles du traité sera vérifiée par la Cour de justice européenne chargée de garantir le respect du droit communautaire : tout citoyen pourra saisir cette juridiction détentrice d’un pouvoir d’annulation en cas de non-conformité. L’adoption de la charte, via le traité, renforcera également les possibilités de recours auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme et du Comité européen des droits sociaux, institutions du Conseil de l’Europe à Strasbourg, respectivement compétentes sur les droits civiques et politiques et sur les droits sociaux.

13- Le traité reconnaît le caractère laïc de l’Europe. Il protège aussi la liberté religieuse, mais contrairement à la loi française de 1905, n’oblige pas les États membres à financer les bâtiments religieux ni à organiser le fonctionnement des églises.

14- Pour la première fois, un texte européen reconnaît les droits et la diversité culturelle. L’accord met en place un double verrou : la règle de l’unanimité, donc la possibilité pour un pays d’exercer un droit de veto, s’appliquera pour tout accord susceptible de "porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union" ; d’autre part, l’Europe mènera des actions de soutien à la création culturelle "à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives ou réglementaires des États membres", ce qui protège notamment les dispositifs français dans les domaines du cinéma, de la musique, de l’édition...

15- Pour la première fois, un traité exprime l’ambition de construire un espace scientifique européen. Le projet soumis à référendum renforce le rôle et la place du Parlement européen qui sera amené à voter les moyens nécessaires au développement de la recherche sur le continent. Il élargit au domaine scientifique et technique (comme à tous les autres domaines où l’Union n’a pas compétence exclusive) le champ des "coopérations renforcées" entre les États membres qui souhaitent avancer vers l’intégration plus vite que ne saurait le faire un ensemble de 25 pays. Ce qui facilitera la mise en œuvre de programmes d’échanges ou de collaboration entre chercheurs, universités, centres de recherche publics ou privés.

16- Le projet constitutionnel réaffirme le principe de subsidiarité qui, dans les domaines ne relevant pas de la compétence exclusive de l’Union (donc hors politiques monétaire et commerciale), limite l’intervention de l’Europe aux cas où celle des États s’avère insuffisante. Les parlements nationaux se voient accorder un droit de regard sur l’application de ce principe (pouvoir de "contrôler en subsidiarité"), qui revient à admettre que l’action politique doit se faire au niveau le plus pertinent, c’est-à-dire si possible au plus près des citoyens.

17- Le traité renforce la légitimité démocratique de l’Union en étendant les prérogatives des instances élues, à savoir le Parlement européen et les parlements nationaux. Il supprime les "directives", élaborées souvent sans mandat politique par l’administration bruxelloise, pour leur substituer des lois débattues et votées par l’assemblée européenne élue au suffrage universel, donc seule émanation des citoyens de l’Union. Ce parlement disposera de pouvoirs accrus : le champ de codécision avec le Conseil des ministres de l’Union, élargi à 43 nouveaux domaines, couvrira 95% des textes ; l’assemblée désignera le président de la Commission et pourra censurer celle-ci à tout moment.

18- Les institutions européennes travailleront avec davantage de transparence. Le Conseil des ministres, en particulier, à la fois gouvernement et colégislateur de l’Union (avec le parlement), siègera en public lorsqu’il débattra d’un projet de loi.

19- Ce Conseil de l’Union statuera désormais à la majorité qualifiée (55% des États représentant 65% de la population). Le vote à l’unanimité (donnant à chaque État un droit de veto) deviendra l’exception. En levant les risques de blocage créés par le traité de Nice et en dégageant des majorités claires, ce système permettra d’avancer plus vite sur le chemin de l’intégration. Contrairement au traité de Nice, qui accordait 50% des voix aux "petits pays" représentant 30% de la population, le système de vote à la double majorité garantit aux pays les plus peuplés (dont la France qui aura elle-même 13% des voix au lieu de 9% précédemment) que rien d’important ne pourra se décider sans eux. Trois d’entre eux, alliés à un quatrième, constitueront une minorité de blocage. L’unanimité restera la règle pour les domaines les plus sensibles, par exemple la fiscalité indirecte, la politique culturelle ou la protection sociale, ce qui protège le modèle français du risque de se voir imposer tout alignement "par le bas".

20- Les pouvoirs de la Commission européenne, chargée d’assurer l’exécution des politiques européennes décidées par le conseil des ministres et le parlement, seront limités et mieux encadrés. Les commissaires seront investis par l’assemblée européenne et responsables devant cette instance. Si la Commission garde l’initiative des propositions de lois, elle devra saisir en amont les parlements nationaux de tout projet.

21- Un droit d’initiative populaire permettra aux citoyens européens de réclamer une nouvelle réglementation ou d’inscrire les sujets de leurs choix à l’ordre du jour des institutions européennes, prémisses d’une véritable société civile européenne.

22- La politique étrangère et de sécurité reste du domaine de l’unanimité, chaque État demeure à ce stade maître de son destin. Cependant, le traité constitutionnel ouvre le champ des coopérations renforcées aux domaines relevant des affaires étrangères et de la défense. Il institue également une clause de solidarité interne entre les États face en cas d’agression extérieure, d’attaque terroriste, comme face à tout risque technique ou toute catastrophe naturelle. Parallèlement, le texte donne à l’Union une personnalité juridique et politique qui va lui permettre de négocier elle-même des traités et de prendre des engagements internationaux. Un ministre des Affaires étrangères, avec un service diplomatique autonome, sera chargé de mieux faire entendre la voix de l’Europe dans le monde.

23- La prévention des conflits internationaux et la garantie de la paix deviennent des objectifs constitutionnels à l’échelle de l’Europe. Hier impuissante à empêcher les guerres des Balkans, auxquelles elle n’a pu mettre fin qu’avec l’aide des Etats-Unis, l’Europe se dote à travers le traité d’un embryon de politique de défense. Donc d’un instrument qui donnera à son action extérieure une crédibilité et une efficacité nouvelles, ainsi qu’une indépendance plus grande vis-à-vis des États-Unis. Par ailleurs, l’appartenance à l’Otan ne sera plus une obligation pour les États membres, notamment pour ceux qui souhaitent conserver ou adopter un statut de neutralité.

24- Les dispositions essentielles du texte constitutionnel devront être révisées d’un commun accord entre tous les États de l’Union. Mais c’est déjà le cas de tous les traités internationaux, y compris ceux de Maastricht et de Nice, qui sont juridiquement supérieurs aux lois nationales. Et d’ailleurs admettrait-on aujourd’hui qu’une modification jugée inacceptable par les Français ou par les citoyens de tout autre pays leur soit appliquée d’office parce qu’une majorité d’États l’aurait décidée ? Le nouveau traité, néanmoins, sera plus facile à amender que les textes préexistants. Les gouvernements, le Parlement européen comme la Commission pourront prendre l’initiative de proposer des projets de révision, et des procédures simplifiées sont prévues pour modifier le texte ou adopter des amendements. D’autre part, des clauses dites "passerelles" permettront de faire passer des domaines de décision du vote à l’unanimité au vote à la majorité, par exemple pour développer demain une fiscalité européenne ou une politique industrielle sans passer par une procédure de révision. En cas de refonte plus lourde, le changement sera élaboré avec et par les parlements nationaux et non seulement par des diplomates.

Et pourquoi pas "non" ?

25- Assimiler le référendum à un plébiscite, c’est prendre une vessie pour une lanterne. La question posée ne porte pas sur l’entrée de la Turquie ou de la Roumanie dans l’Union, ni sur la "directive Bolkestein", ni sur la politique autiste conduite par Chirac et Raffarin. On ne nous demande pas non plus de voter pour ou contre les délocalisations, le chômage persistant, les salaires obscènes des grands patrons, la technocratie nationale ou bruxelloise... La démocratie consultative implique de répondre à la question posée aux citoyens, et non pas à celui qui la pose ou à une toute autre question.

26- Ceux qui disent "non" au traité au nom de l’Europe font miroiter la possibilité de négocier un meilleur texte qui aura toutes les qualités sauf une : l’existence. Prétendre qu’un rejet du traité permettra de conclure entre 25, et bientôt 27 ou 30 États, un meilleur accord constitutionnel que celui arraché à 15, c’est vendre de l’illusion. Le projet actuel résulte de plusieurs années de négociations traduites par des compromis entre forces politiques opposées, cultures nationales divergentes, exigences et ambitions contradictoires. Un "non" remettrait en question ces compromis et conduirait à un recul par rapport à l’acquis. Dans une Union dominée par les droites et face à une majorité de gouvernements partisans d’une conception minimaliste de l’Europe, on imagine mal qu’une renégociation puisse donner satisfaction à ceux qui demandent plus d’Europe sociale.

27- L’immense majorité des européens ont une vision du social, de l’économie et même du projet communautaire différente de celle prônée par les porte-paroles français du souverainisme social. Le combat mené par ces derniers relève de la défense d’un modèle franco-français qui n’a aucune chance de devenir le programme commun d’une grande ni d’une petite Europe.

28- Le "non" d’un grand pays fondateur comme la France, inventeuse de l’Europe, n’aurait pas le même sens ni le même poids qu’un autre refus. Il est difficile d’imaginer pouvoir poursuivre l’aventure européenne avec une France marchant à reculons. Dans tous les cas, un "non" français anémierait la coopération franco-allemande, pôle de gravité de l’Union, et couperait notre pays de ses partenaires les plus pro-européens. Et il affaiblirait l’Europe dans le monde. Face à l’hégémonie de l’hyperpuissance américaine, l’émergence déstabilisatrice de la Chine, l’aggravation des déséquilibres planétaires et des risques géopolitiques, de la prolifération nucléaire au terrorisme, il devient urgent d’accélérer l’avènement de l’Europe politique sur la scène internationale. Le traité dote l’Union d’un début d’existence politique, étape indispensable pour qu’elle puisse espérer peser demain à la table de négociation et imposer de nouvelles normes mondiales sur le commerce nord-sud, la protection des écosystèmes, la gestion raisonnée des ressources, la diversité culturelle, la prévention et le règlement des conflits...

29- Le "non" a toutes les chances de rester inaudible, car il n’exprime qu’une addition de points de vue incompatibles et même contradictoires. Entre les partisans du repli frileux, les altermondialistes et les fédéralistes, entre ceux qui n’ont jamais voulu l’Europe et ceux qui n’y voient qu’un moyen de donner plus de poids à la France, entre les protectionnistes et les libéraux de tout poil, entre les nationalistes et les nostalgiques de la 3ème internationale, entre les bobos en mal de révolte et la foule des inquiets et des citoyens en souffrance : quelle lisibilité ? quelles perspectives ? quel avenir ? quelle majorité d’idées ou de projet pourrait sortir d’une telle coalition d’oppositions et d’exaspérations atomisées ? Si le "non" devait l’emporter, n’émergerait au final qu’un seul sens possible : celui d’un refus de l’Europe.

30- C’est le "non", exprimant un rejet et non un projet, qui est porteur de risque, d’incertitude et d’instabilité, et pas l’inverse. Au mieux, ce rejet du traité bloquerait la construction européenne pour plusieurs années. Mais il y a lieu de craindre qu’il encouragerait l’euroscepticisme et favoriserait un délitement politique, un mouvement centrifuge que l’élargissement de l’Union favorise et que la constitution vise précisément à inverser. L’Europe redeviendrait alors une simple zone de libre-échange conforme aux vœux des libéraux. A l’inverse, le traité constitutionnel, en renforçant le rôle du politique, en consolidant les droits des citoyens, en affirmant de nouvelles exigences sociales et environnementales, donne corps à un "espace public européen" dans lequel de nouveaux choix, de nouvelles pas en avant vont devenir possibles.

Extraits du traité constitutionnel

Article I-2 "L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes."

Article I-3.3 : "L’Union œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. Elle combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant."

Article I-3. 4 : "Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies."

Une vision polonaise

vendredi, 13 mai 2005
Une vision polonaise

Pologne : lettre ouverte aux Français

25 avril 2005


Dans quelques mois, la Pologne célébrera le 25ème anniversaire de la création de Solidarnosc . Grâce à notre appartenance à l’Union européenne, nous allons commémorer cet anniversaire, libres de l’oppression totalitaire que nous avons connue au vingtième siècle et confiants dans l’avenir.


Nous n’allons jamais oublier les gestes spontanés de solidarité de la part de la France et des Français pendant les grèves d’août 1980. Nous allons encore mieux nous souvenir du soutien moral, soutien à l’opposition démocratique et l’aide matérielle qui nous arrivait des centaines de villes et de villages de France au temps de l’état de guerre.

De nouveaux défis se présentent aujourd’hui devant nous et devant vous, ils résultent de notre appartenance à l’Union européenne.Vous et nous , allons voter dans les referendums sur le Traité constitutionnel. Le resultat du scrutin décidera si l’Union européenne pourra s’épanouir au profit de toutes les nations qui la composent, ou si - en cas de vote négatif - elle sombrera dans une très grave crise. L’Union affaiblie et plongée dans le désarroi ne pourrait pas remplir les tâches que lui ont assignées ses Pères Fondateurs

La première année après l’élargissement a bien montrée que l’adhésion de nouveaux Etats Membres a non seulement été la réalisation du rêve de l’Europe unifiée, mais qu’elle apporte des avantages matériels aussi bien aux anciens qu’aux nouveaux membres.

Le Traité constitutionnel, grâce à la Charte des Droits Fondamentaux qu’il contient, offre une chance réelle d’approfondir la dimension sociale dans le fonctionnement de l’Union européenne. En même temps que nous agissons pour l’acceptation du traité, nous devons rechercher ensemble les moyens de maintenir le modèle social européen et de le concilier avec les changements nécessaires pour accélérer notre développement commun.

Il y a parmi nous ceux qui ont soutenu le Traité de Nice et ceux qui s’y sont opposés. Nous estimons cependant, qu’il s’agit à l’heure actuelle du futur de l’Europe. Nous devons empêcher que le Traité soit victime des hommes et des groupes qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas , saisir l’importance historique du défi auquel nous sommes aujourd’hui confrontés.

Notre devoir vis-à-vis des générations futures exige que nous soutenions le Traité constitutionnel dans les referendums. Nous nous y efforcerons lors du vote qui, dans notre pays, aura lieu en septembre 2005. Ainsi nous donnerons la preuve de notre foi en notre avenir commun. Au nom de cet avenir, au nom des liens qui ont uni nos deus pays pendent des siècles, au nom de l’affection que nous portons à la France nous nous permettons de vous adresser un appel pour que vous donniez vos voix en faveur du Traité, lors du referendum du 29 mai. Répondez à l’espoir que place en vous vos voisins et vos amis. Votre soutien à la constitution européenne aura une importance primordiale pour le résultat de notre consultation.

Nous sommes persuadés qu’il ne peut pas y avoir d’Union européenne viable, forte et ecoutée dans le monde, sans qui la France y assume le rôle que lui assigne l’Histoire.



Włodzimierz Cimoszewicz, ancien Premier Ministre, Maréchal du Sejm de Pologne,
Marek Edelman, organisateur et survivant du soulèvement du Ghetto de Varsovie ;
Bronisław Geremek , ancien Ministre des Affaires étrangères, Membre du Parlement européen ;
Agnieszka Holland , cinéaste ;
Ryszard Kapuściński , écrivain ;
Jan Kułakowski , ancient Ambassadeur auprès de L’Union européenne, Membre de Parlement européen ;
Krystian Lupa , metteur en scène ;
Jerzy Łukaszewski , ancien Recteur du Collége d’Europe, ancien Ambassadeur en France ;
Tadeusz Mazowiecki , ancien Premier Ministre ;
Adam Michnik , Redacteur en chef de “Gazeta Wyborcza” ;
Andrzej Olechowski, ancien Ministre des Affaires étrangères,
Dariusz Rosati , ancien Ministre des Affaires étrangères, Membre du Parlement européen ;
Henryk Samsonowicz, ancien Ministre de l’Education nationale ;
Andrzej Seweryn, Sociétaire de la Comédie française ;
Krzysztof Skubiszewski, ancien Ministre des Affaires étrangères, President du Tribunal d’Arbitrage USA-Iran ;
Róża Thun , Secrétaire Gènérale de la Fondation Robert Schuman ;
Andrzej Wajda , cinéaste ;
Lech Wałęsa, ancien Président de la République de Pologne ;
Piotr Węgleński, Recteur de l’Université de Varsovie ;
Krzysztof Zanussi , cinéaste ;
Franciszek Ziejka , Recteur de l’Université Jagellone à Cracovie ;
Andrzej Żuławski, cinéaste.

La consécration de la démagodie ou la défaite de la démocratie

vendredi, 13 mai 2005

La consécration de la démagogie
ou la défaite de la démocratie

nicolas Cadène


Le propos est ici de démontrer la consécration de la démagogie et la défaite de la démocratie, à travers la campagne électorale précédent le référendum français du 29 mai 2005 sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

Après un mépris sans borne par l’ensemble des médias, des partisans du « non » - mépris qui ne laissait aucune place à un vrai débat entre partisans du « non » et partisans du « oui » - , ces mêmes médias ont décidé unanimement, de se « rattraper ».

Ils le font de la pire des manières. Le « non » est désormais « à la mode » et ils ont profite. Le « non » est « à la mode » parce que de nombreux politiciens, syndicalistes, intellectuels de gauche et autres associations « citoyennes » se mobilisent en sa faveur.

Du coup les médias relatent et étalent ce « non » sur toutes ses coutures face à des argumentations « ouiistes » évidemment ridicules et sans ampleur. Certains journalistes parlent de « non » de gauche et de « oui » de droite alors même que le « non » est autant de droite que de gauche.

La plupart participe à une diffusion démesurée de tous les arguments du « non » pour des raisons purement mercantiles et d’audimat.
Mais jamais, je dis bien jamais, les médias n’ont au préalable vérifié de telles argumentations du « non ».
Pas de contre-expertise, pas de contradiction avec des arguments valables du « oui » ; et ce, justement pour soutenir cette mode du « non ». Finalement, les médias confirment leur conformisme au courant d’idées du moment. Ils les créent, ou du moins les soutiennent.
Mais ils ne participent plus, en aucun cas, au débat d’idées, à l’information citoyenne.

La déontologie journalistique paraît inexistante depuis quelques années, c’est aujourd’hui une certitude. Les exemples sont nombreux : le plus célèbre étant sans aucun doute le cas « Chouard » (qui n'en peut plus de se faire "mousser") dont on sait que ces arguments ne tiennent pas debout (à aucun niveau) et qui pourtant est toujours élevé en "héraut" du « non », invité sur les plateaux, ou dans les tribunes de certains hebdomadaires (dernièrement « Marianne ») ou périodiques, sans aucune contradiction valable.

Les médias ne sont pas les seuls coupables de ce déclin démocratique concernant l’information citoyenne et le débat d’idées.

Certains chefs politiques jouent du « non » à des fins électorales évidentes. Ils ne cherchent en rien à défendre leurs concitoyens, ils cherchent avant tout une résurrection électorale.

Ceux du Parti Communiste, de la LCR et de LO n’ont jamais été pour l’intégration européenne et il est donc logique qu’ils s’opposent une nouvelle fois à un traité européen. Mais pourquoi usent-ils d’arguments fallacieux et déformant la réalité ? Pourquoi joue-t-il sur la peur ? (notamment en mettant toujours en avant l'ultralibéralisme soit-disant omniprésent dans le traité et la fin des services publics français, alors que cela n'a rien à voir et que c'est tout à fait faux)

On peut même se demander si les tenants du « non » à droite n’ont pas plus de crédibilité ; car leur vision archaïque de repli franco-français illustre leurs argumentations incohérentes. Ce sont ceux qui me sont le plus éloignés politiquement et idéologiquement, mais leur position et leurs arguments n’étonnent guère et ne trompent point.

Concernant les socialistes pour le « non », ce ne sont pas les pires et leurs arguments sont assez justes. Mais certains parmi eux ne manquent pas de soutenir des mensonges alors qu’ils en connaissent la portée. Et puis l’on sait quels sont pour certains les enjeux carriériste d’une victoire du « non »…

Ensuite, il y a l’omniprésence (nouvelle) de certaines associations, comme ATTAC, qui se dit « association d’éducation citoyenne » (ce qui déjà la décrédébilise lorsque l'on connaît la composition de son bureau national) et qui cherche avant tout à tout « casser » pour arriver en « messie ».
Mais comment, elle qui avait pour but de promouvoir une société plus juste en proposant de vraies initiatives citoyennes démocratiques, peut soutenir des argumentations qui déforment la réalité du texte ?
Comment peut-elle tronquer des articles du traité pour soutenir qu’une phrase n’y est plus présente (en comparaison aux précédents) ?
Comment peut-elle diffuser à grande échelle des mensonges éhontés ? Comment peut-elle s’afficher officiellement dans des meetings avec le PC, la LCR ou LO, alors même que son action n’était pas politisée ?
Que fait Ignacio Ramonet (une référence pour moi) ?
Pourquoi ne dit-il rien, lui qui a inspiré sa création ?
Est-il d’accord de la dérive autoritaire et politicienne de l’association et du soutien que lui apporte son collègue du diplo Bernard Cassen ?

Et que fait « Acrimed » (Action critique média), grande association dénonçant les dérives médiatiques ? Elle soutien le « non » en démontrant l’omniprésence du « oui » dans les médias.
Ce que dit Acrimed est vrai, mais pourquoi son honnêteté ne va que dans un sens ?
Pourquoi ne dénonce t-elle pas la dérive purement mercantile et électoraliste de la campagne ?

Enfin, la plupart des seules grandes « institutions » de gauche qui s’opposaient au pouvoir en place pour de bonnes raisons, pour une promotion démocratique, et dans lesquelles certains comme moi avaient foi, sont aujourd’hui en train de prouver qu’elles ne sont pas mieux que les autres. De prouver qu’elles aussi jouent de la manipulation du peuple, le trompent et se servent de lui pour accéder au pouvoir – ou l’influencer directement - et imposer ses idées propres.

Une victoire du « non » dans de telles conditions serait la preuve du déclin démocratique français, de la prééminence médiatique et de la perpétuelle manipulation du peuple.

"Oui, non: les médias, cibles un peu trop faciles"

jeudi, 12 mai 2005
"Oui, non: les médias, cibles un peu trop faciles"

Vu sur le site de Libération

Ne pas accorder la même place aux deux camps n'est pas un signe de malhonnêteté.
Oui, non: les médias, cibles un peu trop faciles

Par Philippe FREMEAUX

Philippe Frémeaux est directeur du mensuel «Alternatives économiques».


mercredi 11 mai 2005



Le non a-t-il la place qui lui revient dans le débat public ?
Au moment où les sondages se font plus hésitants, certains de ses partisans dénoncent le comportement des médias. De fait, les grands médias, notamment audiovisuels, apparaissent majoritairement favorables au oui.

Mais cette attitude explique-t-elle les mouvements de l'opinion ?
La réponse ne va pas de soi. Si les médias avaient le pouvoir de faire l'élection, Edouard Balladur aurait été élu président en 1995 puisqu'il avait à son service la télé des «cons» (TF1) et le journal des «intelligents» (le Monde). On sait ce qu'il est advenu. De même, si Lionel Jospin a été battu au soir du 21 avril 2002, c'est moins du fait de la campagne médiatique sur l'insécurité dont il fut victime qu'à cause de l'autosatisfaction qu'il affichait sur son bilan alors même que l'amélioration statistique de l'emploi masquait la persistance de la précarité et des bas salaires.

De la même façon, si, aujourd'hui, les Français sont très partagés sur la réponse à donner au référendum, c'est qu'ils constatent, dans leur vécu quotidien, que la situation de l'emploi se dégrade, que l'insécurité sociale progresse, que trop de promesses ont été faites qui n'ont pas été tenues, en France comme en Europe. Mais ils se demandent dans le même temps si refuser l'approfondissement de la construction européenne qui nous est proposé est vraiment de nature à améliorer la situation comme les partisans du non nous l'affirment, ou si cela risque au contraire de l'aggraver.

Le non a clairement progressé dans l'opinion aussi longtemps que le oui est apparu comme un blanc-seing donné à Chirac, Raffarin ou Barroso.
Une fois devenu majoritaire, il s'est trouvé confronté à la question du «jour d'après» : quelles propositions portaient les partisans du non ?
Quelles alliances politiques étaient-ils susceptibles de bâtir en Europe pour les mettre en oeuvre ?
Leurs réponses sont alors apparues peu crédibles alors même que certains partisans du oui gagnaient en modestie et proposaient simplement d'engranger les quelques progrès apportés par le traité avant d'avancer vers une nouvelle étape.

Dit autrement, les raisons qui font progresser ou régresser le non et le oui sont largement indépendantes de la place occupée par les partisans du oui et du non dans les médias.
C'est d'abord la crédibilité des discours tenus qui est en cause, crédibilité qui peut changer en fonction du moment, de la dynamique de la campagne.

L'orientation de la majorité des médias n'a pas empêché la montée du non. On comprend que ses partisans mobilisent cet argument au moment où leur position marque le pas.
Mais les raisons de ce plafonnement tiennent moins au pouvoir des médias qu'aux difficultés qu'ont les partisans du non à apparaître porteur d'une alternative convaincante.

On peut d'ailleurs se demander si l'attitude des médias est réellement favorable au oui.
Ce référendum, qui porte ratification d'un traité international déjà signé par nos dirigeants, provoque un réflexe légitimiste au sein des grands médias ­ et notamment du service public ­ au-delà même des convictions dominantes des éditorialistes.
Les grands médias audiovisuels expliquent le traité au bon peuple (1) faute d'en avoir débattu au moment où il était en discussion et notamment lors des travaux de la convention puis de la conférence intergouvernementale qui l'a suivie.

Le désintérêt qui fut alors le leur ouvre aujourd'hui un boulevard à tous ceux qui présentent le traité comme le fruit d'un complot secret des élites mondialistes néolibérales.
Pour autant, peut-on dire des médias audiovisuels qu'ils sont proeuropéens ? Pas vraiment. L'information sur l'Europe y est souvent de bien piètre qualité. Et certains qui s'inquiètent désormais de la montée du non laissaient hier encore nos responsables politiques expliquer que leurs échecs ou nos difficultés étaient «la faute à Bruxelles», sans être contredits.

Reste à définir ce que doit être la déontologie sur ce sujet et notamment la place légitime du oui et du non.
Au risque de choquer, rappelons que ce n'est pas parce qu'il nous faut répondre oui ou non à la question que les partisans du oui et du non doivent nécessairement bénéficier d'une place équivalente dans les médias.
Les médias ont le devoir d'interroger d'abord les responsables politiques des partis les plus représentatifs ou les intellectuels les plus reconnus. Il se trouve en l'occurrence qu'ils sont très majoritairement favorables au oui.
La percée du non dans les sondages justifie bien entendu qu'on donne la parole à ses partisans.
Mais on ne peut sérieusement défendre l'idée que le temps de parole accordé aux partisans de telle ou telle opinion doive refléter étroitement les courbes des sondages.

Enfin, une censure ne doit pas en cacher une autre.
Réclamer un comportement plus honnête des médias ne justifie pas que ceux qui s'en font les censeurs les mettent dans le même sac dès lors qu'ils ne sont pas les bons petits soldats du non (2).
Réduire toute prise de position en faveur du oui à un alignement sur les positions des puissants, à une défense des «élites» contre le «peuple» est à la fois insultant et démagogique.
Nul ne s'étonne de ne trouver aucun point de vue favorable au oui dans le Monde diplomatique ou dans l'Humanité. En quoi les titres qui ont fait un choix différent, comme celui que j'ai l'honneur de diriger, seraient indignes ?
Ils défendent sans doute mieux la dignité de la presse que ceux qui, au vu des sondages, courent après les opinions supposées de leurs lecteurs !

Il faut critiquer les médias : la faiblesse de l'information indépendante menace aujourd'hui la qualité de notre démocratie. Mais cette critique doit s'exercer à l'encontre de tous les médias, sans aucune exception, et sur tous les sujets, sauf à instrumentaliser l'attachement des citoyens au pluralisme en faveur de son propre camp politique.


(1) Comme le montrait Daniel Schneidermann dans Arrêt sur images sur France 5 le 8 mai.

(2) Comme le fait Serge Halimi dans le Monde diplomatique de mai 2005.

La malhonnêteté d'ATTAC

jeudi, 12 mai 2005
La malhonnêteté d'ATTAC

REPONSE À ATTAC
ET À SON LIVRE INTITULE
« CETTE CONSTITUTION QUI PIEGE L’EUROPE »



Cet ouvrage est l’illustration de la tournure autoritaire de l’Association pour la Taxation des Transactions pour l’Aide aux Citoyens « ATTAC » (qui fut je pense une bien belle association au départ). En effet, le mouvement semble apprécier la manipulation de l'opinion et en jouer allégrement.
Ainsi, lorsqu'elle démonte un argument du « oui », elle le fait couramment en citant un article du traité... mais incomplet, tout en affirmant que la disposition en question n'existe pas dans le traité alors même qu'elle se trouve dans la partie qu'elle a délibérément tronqué.
Plus loin, l’association va fustiger une disposition du traité en la sortant volontiers de son contexte qui en atténue pourtant le sens.
Puis, consciemment, elle va amalgamer des thèmes qui n’ont rien en commun pour « faire peur » et dramatiser une possible victoire du « oui » (ex. récurrent avec la directive Bolkestein qui n’a en réalité rien à voir avec le traité).

Évidemment, la méthode usitée est un désastre pour le débat citoyen, pour l'honnêteté démocratique.
ATTAC s'allie désormais à des meetings politiques de façon officielle et cherche peut-être à s'investir politiquement. Elle fait tout l'inverse de ce que beaucoup espéraient qu'elle fasse : proposer des idées alternatives pour une société plus juste et plus démocratique, tout simplement.

Cette association qui se dit « d’éducation populaire », ce qui déjà, discrédite sa « bonne foi » lorsque l’on connaît concrètement la composition de son comité national et son fonctionnement, a publié ce livre au mois d’avril avec l’ambition de faire apparaître les prétendues contre vérités des partisans du « oui ».

En réalité, ATTAC confirme sa volonté à « s’acharner » sur les partisans du "oui" (le livre les dénonce directement), et ne sert en rien la cause d’un débat démocratique honnête sur le « Traité établissant une Constitution pour l’Europe » en France.

Le non a clairement progressé dans l'opinion aussi longtemps que le « oui » est apparu comme un blanc-seing donné à Chirac, Raffarin ou Barroso.
Comme l’a écrit le directeur du mensuel « Alternatives économiques » Philippe FREMEAUX (Libération du 11 mai), une fois devenu majoritaire, « le non s'est trouvé confronté à la question du « jour d'après » : quelles propositions portaient les partisans du non », tel qu’ATTAC ?

L’association essaye ici de prouver qu’elle fait plus que critiquer, qu’elle propose. Encore faudrait-il que son regard soit européen et non franco-français. Que ses critiques soient fondées et non faussées ou intéressées.
De plus, quelles alliances politiques ATTAC est-elle susceptible de bâtir en Europe pour mettre en oeuvre ses supposées propositions ?

Leurs réponses apparaissent peu crédibles alors même que les partisans du "oui" proposent d'engranger les quelques progrès apportés par le traité avant d'avancer vers une nouvelle étape.

L'orientation de la majorité des médias n'a pas empêché la montée du « non ». On comprend qu’ATTAC mobilise l’argument du « soutien des médias au oui » au moment où leur position marque le pas.
Mais les raisons de ce plafonnement tiennent moins au pouvoir des médias, comme l’affirme pourtant ATTAC, qu'aux difficultés que l’association a à apparaître porteur d'une alternative convaincante.

Une vision allemande

mercredi, 11 mai 2005

Une vision allemande vu sur Café babel :

Weiter Richtung "United States of Europe"
Vers les Etats-Unis d'Europe

La Constitution a jeté les bases d’une fédération européenne. Principe majoritaire, renforcement du Parlement et initiative citoyenne montrent la voie d’une intégration approfondie.

Le 28 octobre 2004, les chefs d’Etat et de gouvernement ont adopté le traité constitutionnel que la Convention européenne avait élaboré. Le président de la Commission, Valéry Giscard d’Estaing, a sans cesse fait référence à ses prédécesseurs historiques : les pères fondateurs américains réunis au sein de la Convention de Philadelphie de 1787, qui a produit la constitution la plus importante de l’histoire de la démocratie et par la suite la fédération américaine. La Constitution européenne représente-t-elle donc un pas dans la direction des « Etats-Unis d’Europe« ? Mis à part l’effet symbolique que comporte le concept de constitution, le traité comprend certaines dispositions qui pourraient encourager l’avènement d’une fédération européenne.
L’UE acquiert, avec la constitutionnalisation de la Charte des droits fondamentaux, une liste des droits fondamentaux juridiquement valable et opposable, et qui plus est à une place éminente, dans la seconde partie du traité constitutionnel. Presque tous les Etats démocratiques ont une constitution qui fixe des droits fondamentaux pour leurs citoyens. Alors qu’une grande partie de la littérature prétend toujours que l’UE n’a pas de peuple, dedemos et en conséquence ne peut être un Etat, l’adoption d’une liste des droits fondamentaux concernant les individus est d’une importance particulière.

Plus de democratie, pas de séparation des pouvoirs

Le seul organe de l’Union ayant une légitimité démocratique directe, le Parlement européen, fait l’objet d’un nouveau renforcement : il devient co-législateur universel, avec le Coneil des Ministres. C’est seulement dans des cas d’exception explicitement mentionnés (surtout dans le cadre de la Politique extérieure et de sécurité commune - PESC) que le Parlement perd son pouvoir de codécision. L’Assemblée de Strasbourg n’a certes aucun droit d’initiative legislative, ce qui la distingue clairement d’un Parlement national. Elle peut cependant parfois suggérer qu’on légifère. Si l’on veut comparer avec la structure de l’Etat-nation, il ne faut pas perdre de vue que la majeure partie des lois nationales (à peu près 90%) provient de projets de loi gouvernementaux. L’Union européenne est caractérisée par un système original d’équilibre des pouvoirs : les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont répartis et les organes correspondants se contrôlent les uns les autres. Au niveau de l’Union européenne, il n’existe certes pas une séparation des pouvoirs classique au sens de Montesquieu. Mais le principe de l’équilibre institutionnel remplit cette fonction et a fait ses preuves jusqu’à ce jour, comme l’a par exemple montré le retrait de la commission Santer en 1999 devant la menace d’un vote de défiance.

Des competences plus claires

Cet équilibre institutionnel fait l’objet d’une correction décisive dans le traité constitutionnel, car le Conseil européen (composé des chefs d’Etats et de gouvernement) reçoit des compétences législatives considérables , sans que ne soit prévue une possibilité correspondante de contrôle par le Parlement. Cette situation préoccupante amène l’expert en droit européen Stefan Griller à parler d’un « quadrilatère institutionnel » et d’un nouvel « intergouvernementalisme supranational ».
On est cependant parvenu dans le traité constitutionnel à effectuer quelques mises au point relatives aux compétences : il y a pour la première fois une sorte de catalogue des compétences (dans l'article I-9 notamment). Pour la délimitation des compétences entre l’Union et les Etats membres, le principe de l’habilitation ponctuelle limitée vaut encore : l’Union n’a le droit d’intervenir que si cela est explicitement prévu dans le traité constitutionnel. L’Union n’a par conséquent pas la « compétence des compétences » : il ne lui revient pas de décider de la définition de ses propres champs d’intervention et de ceux des Etats membres. C’est ce qui la distingue de façon déterminante d’un Etat fédéral.
Le fait que la majorité qualifiée devienne le mode de décision dans un nombre plus élevé de domaines politiques est une des principales caractéristiques distinguant l’Union européenne d’une organisation internationale classique, et qui souligne l’évolution vers un Etat fédéral. Mais le principe de l’unanimité n’a pas été complètement abandonné. C’est justement dans des domaines politiques sensibles tels que la PESC et la politique fiscale que les Etats membres n’étaient pas prêts à abandonner leur veto national. Cependant, le droit pour les citoyens de participer à la vie démocratique de l’Union, et le principe selon lequel les décisions doivent être prises de la façon la plus ouverte et la plus proche possible des citoyens sont inscrits dans le traité constitutionnel. En outre, une « initiative citoyenne » est rendue possible : un million au moins de ressortissants d’un « nombre significatif » d’Etats membres peuvent exiger de la Commission qu’elle soumette une proposition au sujet de thèmes pour lesquels la mise en œuvre de la constitution nécessite à leur avis un acte juridique de l’Union.
Malgré quelques points noirs, la Constitution recèle donc un grand potentiel fédéral. Ce pourrait bien être le premier pas dans la direction d’une fédération européenne.

Une préséance possible des Parties I et II sur la III

mercredi, 11 mai 2005
Une préséance possible des Parties I et II sur la III


Il est vrai que la "Constitution" n'aborde pas cette question.
Il semble donc que toutes les parties du texte ont la même valeur juridique.

Il est néanmoins possible que la Cour européenne de justice et d'autres institutions considéreront que les Parties I et II ont préséance sur la Partie III.

Plusieurs arguments viennent étayer cette hypothèse :

Les Parties I et II contiennent les dispositions à caractère "constitutionnel", tandis que la Partie III est, dans une large mesure, très technique et fondée sur les politiques. Les deux premières parties sont le résultat d'assemblées "constitutionnelles" – les conventions.
Le texte du traité constitutionnel est construit de telle manière que la Partie III est une spécification détaillée des principes énoncés dans la Partie I. La Partie I réglemente les principales questions à valeur constitutionnelle en faisant référence, pour des dispositions spécifiques, à la Partie III.

Un autre argument est qu'il existe une méthode de révision différente et plus simple du Titre III de la Partie III sur les Politiques internes de l'Union. Il est vrai que cette procédure simplifiée (La procédure de révision simplifiée permet à l'Union d'éviter l'étape de la Convention, mais l'accord unanime des gouvernements et les ratifications restent nécessaires : art. IV- 445) ne concerne que le Titre III. Toutefois, les deux premiers titres ont un caractère plus "constitutionnel": le premier énumère les principes qui devraient être pris en considération dans la formulation de toutes les politiques de l'Union: égalité entre hommes et femmes, interdiction de la discrimination, lutte contre l'exclusion sociale, environnement et protection des consommateurs; le deuxième porte sur la nondiscrimination et la citoyenneté européenne. Ces deux premiers titres sont une manière de mettre en pratique les valeurs de l'Union exposées dans la Partie I. Placés avant le titre sur les politiques internes, ils tendent à influencer l'activité de l'Union dans tous les domaines.


(cf. "50 questions et réponses sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe", de l'ECAS : European Citizen Action Service)

L'Eurogroupe et sa coordination

mercredi, 11 mai 2005
La coordination entre pays membres de l'Euro

Article intéressant vu sur Café babel :


Economie : évolution plutôt que révolution

Plus de coordination entre pays membres de l’Euro, sous l’œil vigilant de la Commission : c’est le credo de la politique économique européenne selon la Constitution.

A « petits pas » : c’est ainsi que l’UE s’est construite sur le plan économique. D’abord avec la mise en commun des ressources en charbon et en acier (CECA - 1950). Ensuite par la création d’une union douanière instituant un tarif extérieur commun dans le cadre de la CEE (Communauté économique européenne – 1957) et d’un marché commun, favorisant la mobilité des personnes, biens et capitaux qui deviendra marché unique en 1993. Enfin avec la mise en place de l’Union Economique et Monétaire (UEM) qui inclut la coordination de politiques économiques menées par les États Membres et le passage à la monnaie unique par les Etats volontaires (au nombre de 12 aujourd’hui). Si le Projet de Constitution entre en vigueur, une nouvelle étape sera-t-elle franchie en terme d’intégration économique ?

A l’heure actuelle, la politique économique est encadrée par l’intermédiaire de différents instruments. Pour l’ensemble des pays de l’UE, depuis l’achèvement du marché unique, la politique économique est devenue une « question d’intérêt commun » : le Conseil des Ministres de l’Economie et de Finances (ECOFIN) coordonne les différentes politiques nationales en adoptant les Grandes Orientations de Politiques Economiques (GOPE). Les Etats membres et l’Union agissent dans le « respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources ».
Si les GOPE ne sont que relativement peu contraignantes (une « surveillance multilatérale » est prévue), la marge de manœuvre des pays membres de la zone euro (l’Eurogroupe) est strictement limitée sur le plan de la politique économique et monétaire. D’une part, le contrôle de la politique monétaire leur échappe désormais totalement : la Banque Centrale Européenne (BCE), entité indépendante des gouvernements, est la seule à disposer du pouvoir de modifier les taux d’intérêt. D’autre part, le Pacte de Stabilité et de Croissance, en interdisant notamment les déficits publics supérieurs à 3% du PIB, limite considérablement la possibilité pour les états membres de mener des politiques budgétaires expansionnistes.

La Constitution, dans tous ces domaines, n’introduit qu’un nombre limité, mais significatifs de modifications, qui visent à la « création d’un gouvernement économique européen ». La BCE devient officiellement une institution de l’Union, au même titre que la Commission ou le Parlement par exemple. Concernant les GOPE la contrainte qui porte sur les membres de l’Eurogroupe est renforcée : des GOPE spécifiques à ces Etats membres pourront être adoptées, une coordination plus étroite est exigée.
Par ailleurs, des dispositions essentielles du Pacte de Stabilité (Critères de convergence, Procédure concernant les déficits excessifs), ainsi que l’existence de l’Eurogroupe sont annexées en protocole à la Constitution, qui leur confère une relative intangibilité. La procédure de sanction évolue : auparavant, la Commission se limitait à aviser le Conseil en cas de « dérapage » budgétaire d’un Etat. Le Conseil décidait alors ou non d’adresser des recommandations à l’Etat défaillant. Désormais, la Commission pourra adresser directement des avertissements à l’Etat fautif. Si des sanctions doivent être prises, c’est sur proposition de la Commission que le Conseil statut, à une nouvelle majorité, dite « ordinaire » de 55 % des pays de l’Eurogroupe et 65% de sa population (avant c’était l’unanimité qui prévalait, ce qui a permis à la France et à Allemagne d’échapper aux sanctions). La Commission voit son rôle de garante des traités et de l’intérêt communautaire renforcé.
L’euro devient la monnaie de l’UE et un de ses symboles. La politique monétaire devient une une compétence exclusive de l’Eurogroupe, qui voit son statut informel confirmé, et auquel le président de la Commission et de la BCE sont invités. Son régime spécifique pour la zone euro est renforcé : il est le seul à pouvoir voter dans certains domaines, afin de gagner en autonomie
Enfin, le rôle du Parlement Européen est accru matière budgétaire : pour l’adoption du budget annuel, le Conseil doit s’assurer du soutien du Parlement, alors qu’il pouvait auparavant s’en passer sur un grand nombre de domaines, ce qui renforce le contrôle démocratique au sein de l’Union. Pour le budget pluriannuel (six ans), c’est pourtant encore le Conseil qui décidera à l’unanimité.
La Constitution renforce donc certains instruments, comme les GOPE ou l’Eurogroupe afin d’améliorer l’efficacité de l’organisation économique de l’UE sans pour autant représenter un bouleversement majeur : elle renforce la capacité de coordination et d’action de l’UE, plus particulièrement au sein de l’UE, ce qui semble logique. Bref, une lente évolution plutôt qu’une révolution, vers un gouvernement économique européen. Les instruments politiques restent presque inchangés, mais sont mieux structurés. En matière économique, un mot clé donc dans la Constitution : coordination. Nos gouvernements réussiront-ils à ouvrir la porte de la croissance avec ?

Une vision britannique


Une vision britannique, vu sur l'excellent Café babel

What does it really mean?
Constitution : de quoi s'agit-il ?


Peu d'entre nous vont réellement lire la Constitution dans son intégralité. Cependant, il est important de savoir comment celle-ci affectera nos vies, surtout pour celles et ceux appelés à se prononcer sur le texte par referendum.

En octobre dernier, les chefs d’Etats des vingt-cinq pays membres signaient le second Traité de Rome, plus connu sous le nom de traité instituant une Constitution pour l’Europe. Ratifié par les Etats-membres, ce texte doterait l’Union européenne d’une « Constitution ». En tant que citoyens européens, deux questions vitales se posent : pourquoi avons-nous besoin d’un tel texte et que signifie-t-il vraiment ?

Plus de transparence

La Convention européenne (qui a planché sur le Traité constitutionnel) a été mise en place, selon Valéry Giscard d’Estaing, pour clarifier un système byzantin “beaucoup trop difficile à comprendre pour le peuple”.
L’idée de base était que la fusion de tous les traités existants en un seul document permettrait de lutter contre le discrédit croissant des citoyens face à leurs institutions. Une Constitution démocratique encadrerait les relations entre les gouvernants et les gouvernés, et délimiterait le pouvoir des dirigeants en établissant un système équilibré des pouvoirs. En fin de compte, cette Constitution rendrait l’Europe plus transparente aux yeux des citoyens.

Conséquences

Le texte de la Constitution est complexe, mais le contenu du Traité contient des avancées qui doivent être connues des citoyens, notamment ceux qui seront appelés à se prononcer sur le texte par referendum. D’une manière générale, la Constitution -si elle devait être acceptée- confèrera davantage de pouvoirs à Bruxelles, même si certains domaines comme l’industrie, le social et la culture, resteront des prérogatives nationales. La création du poste de Ministre des Affaires étrangères et l’augmentation du champ des compétences de l’Union, -notamment dans les domaines de l’énergie, du sport et de la propriété intellectuelle- concentrera les pouvoirs et permettra à l’UE de peser plus sur la scène internationale. Des dispositions ont aussi été prises quant à l’élection d’un Président au Conseil européen -élu pour un mandat de deux ans et demi– après approbation du Parlement européen. Le texte définit aussi un hymne, un drapeau, un territoire délimité, une législature et une Cour suprême, dotant ainsi l’UE d’une identité politique propre.
La procédure d’adoption des lois se transformera également. Actuellement, nombreux sont les domaines pour lesquels une décision à l’unanimité est requise, procédure qui pèse lourd si l’on considère que l’UE fonctionne aujourd’hui à 25. Avec la Constitution, 153 domaines passeront ainsi à la majorité qualifiée, réduisant à 44 le nombre de sujets pour lesquels un vote à l’unanimité de tous les Etats membres sera nécessaire. Qui plus est, le seuil de la majorité qualifiée sera abaissé, autorisant 55% des Etats membres représentant au moins 65% de la population de l’Union à adopter une loi à la majorité qualifiée. Ceci rendra la prise de décision plus facile et plus démocratique, mais diminuera du même coup la capacité des Etats à défendre individuellement leurs intérêts propres.

Un autre élément crucial est l’incorporation dans la Constitution de la Charte des Droits fondamentaux garantissant les droits inaliénables de chaque individu à la vie et à la liberté. Elle fera aussi la promotion d’un grand nombre de « droits positifs », que les citoyens pourront faire valoir dans n’importe quel État de résidence. Ils comprennent notamment le droit à l’aide au logement, à la sécurité sociale, à des soins de santé, à la protection du consommateur et aux services « d’intérêts économiques généraux». Avec cette Charte, les institutions de l’UE deviendront l’autorité ultime dans de nombreux domaines jadis sous le contrôle des Etats nations.

S’il y a peu de doutes quant à une amélioration du processus d'intégration, le débat fait rage quand à savoir s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise chose. Les eurosceptiques maintiennent que la Constitution centralisera le pouvoir et entravera le libre échange. Au contraire, ses promoteurs soutiennent que cette réforme est nécessaire pour améliorer le processus décisionnel de l’UE élargie et pour lui donner un plus grand poids sur la scène internationale. En tout état de cause ,ce sera aux citoyens d'en décider.

Leo Wood - London - 31.1.2005 | Traduction : Martin Simard

Vision italienne

mardi, 10 mai 2005
Une vision italienne

Vision italienne :


Chers citoyens français...
Tribune de Massimo D’Alema dans le nouvel observateur du jeudi 7 avril 2005

Pour le leader de la gauche italienne, « L’Europe tout entière attend le résultat du référendum français : ce que vous déciderez sera d’une importance capitale » :

Il y a de cela quelques années, je rendis visite au chancelier Helmut Kohl. Il conservait dans son bureau un beau portrait de François Mitterrand, à qui il avait été lié par une grande amitié. Nous parlâmes de l’euro et des résistances qui se manifestaient dans l’opinion publique allemande face à la monnaie unique européenne.

Il me confia que pour vaincre ces résistances il fallait avant tout mettre les idéaux de paix et de convivialité au centre du processus unitaire. « Le frère de ma mère, me dit-il, s’appelait Walter et il est mort au bord de la Marne durant la Première Guerre mondiale. Mon frère aîné, qui s’appelait lui aussi Walter, est tombé sur le front français durant la Seconde Guerre. Mon fils, quant à lui, peut aujourd’hui traverser cette même frontière sans passeport : c’est ça l’Europe. » C’est pour cette raison que l’Europe tout entière attend le résultat du référendum français : ce que vous déciderez sera d’une importance capitale pour le futur de chaque citoyen de l’Union.

Si vous décidiez aujourd’hui de voter non, le résultat n’en serait certes pas une Constitution plus avancée ou meilleure, mais bel et bien un arrêt extrêmement brutal du processus d’unification européenne. Ce qui se trouverait ainsi remis en question, c’est l’idée même d’une Europe politique. Nous sommes donc confrontés à un passage délicat impliquant des millions et des millions de personnes dans des choix touchant les institutions. Les raisons de l’intégration ont connu un premier succès en Espagne, où la grande majorité des citoyens ont choisi de renforcer l’Europe en votant oui au référendum. Un oui qui se nourrit de ces idéaux européens qui ont animé l’œuvre de François Mitterrand, de Jacques Delors ou d’Altiero Spinelli. Un oui pour une Europe politique et sociale qui ne se réduit pas à un espace de libre marché.

La valeur du nouveau traité constitutionnel tient avant tout à sa référence à un patrimoine d’idées, de civilisation et de droits qui sont le fruit de ce qu’il y a de meilleur dans l’histoire démocratique de l’Europe, et qui sont posés au fondement même de la construction politique européenne. Certes, le texte de Rome n’est pas parfait et, il fallait s’y attendre, il faut évidemment tenir compte du poids représenté par les résistances conservatrices et les compromis nécessaires. Il n’aurait pas pu d’ailleurs en être autrement. La rédaction du nouveau traité s’est faite à travers un processus lent et laborieux, qui a pris, avec la Convention, un caractère à la fois ouvert et innovateur, mais qui a dû être ensuite passé au crible d’un accord entre des gouvernements nationaux dont la plupart sont malheureusement gouvernés aujourd’hui par les forces conservatrices.

Pour ceux qui, comme moi, sont animés d’une vision fédéraliste de l’unité européenne, il y a quelques raisons d’être déçu par le prix qui a dû être payé en limitant la force et la souveraineté de l’Union en matière de politique économique ou de politique étrangère. Cependant, la Constitution de Rome représente un pas en avant important : avant tout par l’implantation même de la Charte, qui, évidemment, ne remplace pas les Constitutions nationales mais les intègre dans un cadre de reconnaissance mutuelle et de subsidiarité constitutionnelle qui renforcent la légitimité de l’Union européenne. Elle représente un grand pas en avant par l’affirmation des droits fondamentaux que l’Europe reconnaît à tous ceux qui naissent, vivent ou se trouvent momentanément sur son territoire. C’est précisément cette idée du caractère un et indivisible des droits, de la liberté individuelle mais également des droits sociaux qui représente l’expression la plus haute de l’humanisme européen : c’est là une conception qui plonge ses racines non seulement dans les traditions religieuses, mais également dans la grande culture libérale, démocratique, socialiste et laïque.

La Constitution est importante du fait de son choix d’un modèle d’économie sociale de marché qui pose comme l’un de ses objectifs le plein-emploi pour tous ; elle est importante parce qu’elle renforce les pouvoirs de ce Parlement élu par les citoyens et qui a démontré, au moment de la constitution de la commission Barroso, qu’il était tout autre chose qu’un organe se limitant à ratifier des décisions déjà prises par les gouvernements ; elle est importante par sa volonté de se doter d’instruments de direction politique commune dont l’institution de la figure d’un ministre des Affaires étrangères de l’Union constitue l’exemple le plus évident. Avec la Constitution se développent par conséquent les droits et se renforce la démocratie. On vise aussi à la création de nouveaux emplois et d’emplois meilleurs, en combattant l’exclusion sociale. On assume comme fondateur l’engagement à défendre l’environnement. On définit les instruments nécessaires à la victoire contre le terrorisme et en vue d’en éradiquer les causes, en combattant la pauvreté et la marginalisation.

Ce sont là des thèmes que nous connaissons bien, nous femmes et hommes de la gauche européenne ; ce sont des mots qui ont pour nous la tonalité douce et rassurante des choses familières : ce sont nos combats de toujours qui trouvent aujourd’hui leur site le plus éminent dans les pages de cette Charte fondatrice de l’Europe. C’est là-dessus que les citoyens français sont appelés à voter. Et c’est pour cela qu’approuver la Constitution, tout en en reconnaissant les limites, ne signifie pas seulement faire un pas considérable en avant sur le chemin de la construction d’une Europe politique, mais cela signifie également maintenir l’espoir d’une évolution positive de ce traité.

Notre futur est commun, et c’est l’histoire de ces dernières années qui le démontre. La conviction que la globalisation néolibérale aurait signé la fin de l’Histoire, en marginalisant le rôle des Etats-nations et de la politique, s’est révélée n’être qu’une illusion. C’est tout le contraire qui s’est produit : les contradictions et les inégalités qui ont généré de nouveaux conflits se sont accrues ; les différences ethniques et religieuses, les intégrismes et les fondamentalismes sont réapparus. Non seulement la compétition sans règles n’a induit aucun essor dans les pays exclus de l’élargissement des droits de l’homme et du travail, mais elle a introduit la crise, y compris au cœur des sociétés occidentales, en remettant en discussion garanties et conquêtes sociales jusque-là inaliénables. On comprend donc maintenant de manière beaucoup plus claire comment la globalisation peut représenter un important facteur de croissance sous condition d’être gouvernée ; mais apparaît avec la même évidence le caractère inadéquat des Etats nationaux, privés des instruments utiles pour gouverner et pour conditionner les grands processus économiques globaux. Il revient donc à la politique de reconquérir son caractère central et de construire les instruments d’une nouvelle gouvernance.

Pas plus acceptable n’apparaît l’idée, enracinée aux Etats-Unis après le 11-Septembre, d’un monde gouverné par la loi du plus fort, et ce à travers une politique de puissance et l’usage continu de la force militaire. Une idée qui répond à une vision étroite, y compris du point de vue des intérêts américains. L’Irak est l’exemple le plus évident et le plus dramatique de cet échec. Aujourd’hui, alors même que l’administration Bush semble enfin comprendre les limites de sa propre stratégie, l’Europe doit être prête à apporter sa contribution à la reconstruction des instruments d’un multilatéralisme efficace.

La portée du défi est immense, et ce ne seront pas les Etats européens, aussi grands et influents soient-ils, qui seront en mesure de le relever individuellement. Dès lors, la seule question légitime est la suivante : l’Europe est-elle à la hauteur de ce défi ? Est-elle en mesure de jouer son rôle ?

Si l’Europe est bien celle qui a mis en route le processus d’intégration, en réussissant à exporter la démocratie, en aidant à la consolidation des nouvelles institutions des pays sortis du totalitarisme communiste, et en décidant de se mesurer aujourd’hui au parcours d’adhésion de la Turquie, alors la réponse peut être affirmative. Seule une Europe capable de s’unir et de prendre ses responsabilités peut s’avérer à la hauteur de la tâche. C’est pourquoi il est important que parvienne de la France un message clair, que s’y manifeste un choix des plus nets.

Voilà pourquoi il est important que le oui l’emporte à ce référendum.

Traduit de l’italien par Charles Alunni.

Vision de Josep Borell, Président du Parlement européen

mardi, 10 mai 2005
Vision de Josep Borell, Président du Parlement européen

“Le monde n’attendra pas l’Europe”
par Josep Borell : JDD 03/04/05

Président du Parlement européen, le socialiste espagnol Josep Borell s’adressera mardi à Paris aux députés et sénateurs français. Ancien ministre de Felipe Gonzalez ; membre de la Convention sur l’avenir de l’Europe et animateur de la campagne en Espagne pour le “ oui ” à la Constitution européenne, il répond aux questions du JDD.


Quel sentiment vous inspire la campagne en France pour le référendum ?

Vous, les Français, aimez beaucoup le débat démocratique et c’est tout à votre honneur, mais dans le cas présent, il faudrait parler du vrai sujet, c’est-à-dire la Constitution. En connaissance de cause. Or, on entend beaucoup de contrevérités et d’amalgames. Les sujets évoqués n’ont rien à voir avec la Constitution, ils relèvent souvent de la politique intérieure ou des querelles internes à certains partis. J’aimerais que le débat se recentre sur la Constitution.

Diriez-vous que le débat actuel est truqué ?

Je ne veux pas dire qu’il y a des truqueurs mais certains des arguments me surprennent.Quand, par exemple, j’entends que la Constitution serait la base juridique à la directive Bolcheviser sur la libéralisation des services. Comment peut-on dire une chose pareille en plein débat de ratification ? Il faut que le citoyen français soit informé de ce qu’est l’Europe aujourd’hui et de ce que la Constitution représente dans sa construction. ’J’ai l’impression que depuis treize ans, depuis le débat sur le traité de Maastricht, on ne parle pas assez d’Europe en France. La conscience collective est restée endormie alors que se produisaient d’importants changements. Tout à coup, les gens se réveillent avec un manque d’information. J’espère qu’au cours des deux prochains mois, le débat va permettre aux Français de mieux connaître le sujet sur lequel ils doivent se prononcer.

Pourquoi la directive Bolkestein n’a-t-elle rien à voir, selon vous, avec la Constitution ?

Parfois, je constate que les gens croient qu’elle est déjà en vigueur, et ce à cause de la Constitution. Or elle ne l’est pas, et elle ne le sera pas tant que le Parlement européen ne l’aura pas décidée conjointement avec le Conseil des ministres. C’est une proposition de l’ancienne Commission Prodi, qui a suscité toutes ces réactions. Le Conseil européen du 22 mars dernier a estimé qu’elle devait être revue et qu’elle ne doit, en aucun cas, altérer le modèle social européen. La Commission, elle-même, a reconnu que son projet n’était pas clair du tout. La balle est désormais dans le camp du Parlement. Je peux vous assurer qu’il va la mettre à plat en la clarifiant et en l’amendant.

En quoi la situation aurait été différente si la Constitution était déjà en vigueur ?

Le parlement français en aurait été saisi, dès le départ par la Commission. Il aurait pu lui dire : votre proposition met en danger notre système social, révisez-la. Sitôt la décision finale prise, il aurait pu demander à son gouvernement d’introduire un recours devant la Cour de justice européenne si ses objections n’avaient pas été prises en compte. La Constitution accroît ainsi le rôle des parlements nationaux en leur donnant un droit de regard, celui de critiquer et celui d’intervenir juridiquement. La Commission n’a que le droit de proposer, pas celui de décider. C’est au Parlement européen et au Conseil des ministres de l’Union européenne de le faire. Et je vous assure que nous n’allons pas accepter une directive qui mette en cause le droit des travailleurs. Nous trouverons un équilibre entre amélioration de la compétitivité économique et préservation du modèle social européen.

En tant que leader socialiste européen, qu’évoquent pour vous les dissensions actuelles au sein des socialistes français, notamment ces propos d’un Jean-Luc Mélenchon qui affirme que le PS est le seul parti réellement démocratique au sein des socialistes européens ?

J’ai la chance d’avoir des amis au sein de ses différentes sensibilités. J’ai partagé un certain nombre de journées avec certains partisans du “ non ” du Parti socialiste à Porto Allegre, ainsi que pas mal de séances du Conseil des ministres du Budget. Mais là, je considère que ses déclarations sont un peu insultantes pour les autres partis socialistes. Au sein du parti socialiste espagnol, nous avons aussi des débats, mais la règle de la majorité démocratique y est respectée dans tous les cas. Je me demande pourquoi les socialistes français ont fait un référendum interne si finalement chacun campe sur ses positions.Est-ce que c’est très démocratique ? Je pensais que lorsqu’on faisait un référendum dans un parti, c’était pour arrêter la position de l’ensemble, je vois qu’il y a d’autres interprétations possibles.

Quelle serait la conséquence d’un “ non ” de la France à la Constitution européenne ?

Je ne veux pas faire de catastrophisme mais ce serait un choc, un tremblement de terre. Surtout, ne laissons pas croire que le texte pourrait être facilement renégocié. Si la France, grand pays fondateur, venait à dire non, ce serait un coup d’arrêt à la construction européenne. Bien sûr, elle continuerait à fonctionner sur les bases actuelles, qui sont précisément celles que dénoncent certains partisans du “ non ”. La France serait marginalisée pour un certain temps.

Faire croire que l’on peut renégocier rapidement est donc un mensonge ?

C’est une vision peu réaliste. Du traité de Nice (2000) à l’entrée en vigueur de la Constitution (2009) -si elle entre en vigueur-, il se sera écoulé neuf mois. Si la France dit “ non ” maintenant, est-ce que vous croyez que l’on mettra moins de neuf ans à négocier et à ratifier un autre traité ? En attendant, depuis Nice, se seront écoulés vingt ans. Et le monde ne va pas s’arrêter vingt ans en attendant que les Européens puissent résoudre la question de leur fonctionnement interne. Je voyage beaucoup en Europe et je ressens beaucoup d’inquiétude face à la situation française. C’est pour cela qu’il ne faut pas trop s’amuser à évoquer une possible crise salutaire. Ce serait une crise, c’est sûr. Salutaire, j’en doute.